À Bukavu, la scène karaoké est devenue un véritable espace de démonstration des potentiels artistiques. Des artistes se réunissent en orchestre dans le but d’égayer leur public à travers des interprétations. Cependant, les musiques locales peinent encore à s’y imposer face à la domination des chansons étrangères.
Les répertoires vibrent souvent au rythme des musiques classiques kinoises, françaises ou swahili non originaires de Bukavu alors que les initiatives artistiques locales restent très souvent dans l’ombre.
Pour Jures Musafiri, chanteur karaoké de Bukavu, le choix du style musical relève avant tout d’un processus intime et réfléchi : « Selon moi, deux facteurs principaux interviennent dans le choix du style musical : le facteur émotionnel et le facteur personnel ».
Un artiste doit d’abord selon ce maitre de l’open-mic, trouver un style qui lui correspond le mieux, en tenant compte de la tessiture et les émotions qu’il souhaite transmettre. Il souligne une intégration des morceaux locaux qui s’accordent avec son timbre tout en insistant sur la nécessité pour chaque interprète à découvrir son identité musicale : « Je choisis de chanter de la musique étrangère parce que ma couleur vocale s’y prête naturellement. Personne ne fait tous les styles parfaitement. Comprendre son style est la première réussite dans la musique. »
Les producteurs de karaoké, réels moteurs de la promotion des œuvres locales
Entre remise en questions de capacités de composition artistique des interprètes de Karaoké et recherche démesurée du gain des producteurs, la responsabilité incombe à chacun d’investir dans la mesure du possible dans la vente des musiques faites par les fils et filles de Bukavu. Pour permettre une connexion directe entre œuvres locales et les publics consommateurs, vient cette stratégie d’élaboration des répertoires qui profitent avant tout aux enfants de Bukavu.
Kalo Mulozi, responsable de l’Union Nationale des Musiciens du Congo / section Sud-Kivu (UMUCO) déplore une perte des œuvres d’esprits locales aux détriments des importations. Selon lui, les producteurs des karaokés encouragent les interprétations étrangères pour attirer le public et accroître leur rentabilité. Ils devraient, pour encourager la consommation locale, exiger aux interprètes de chanter leurs propres créations.
« Les interprétations ne font qu’affaiblir les œuvres d’esprit qui devraient émerger. Ces producteurs exigent aux artistes de chanter des musiques étrangères, pensant que les chansons locales ne peuvent pas vendre » regrette-t-il.
D’où son appel à une prise de conscience collective : « Ils peuvent aussi aider l’art de Bukavu à aller de l’avant. Une fois un producteur accompagne un artiste, qu’il lui demande de reproduire ses propres chansons pour casser cette habitude. »
Si le souci de l’émergence de la musique locale habite le cœur des producteurs régionaux, la promotion de l’art musical de Bukavu passe par une valorisation des œuvres produites. Le patrimoine musical du Sud-Kivu risque de s’éteindre dans le vacarme des tubes importés. Promouvoir la musique de Bukavu, c’est non seulement soutenir les artistes, mais aussi préserver une identité culturelle qui ne demande qu’à à être mis à la lumière.
Kathia AMINA